Je vous présente Quamiro.
Quamiro est un cheval de compétition de 13 ans. Au fil du temps, il s’est mis à développer des comportements inexplicables, pour finir par refuser de sauter tout obstacle. Sa dernière cavalière a donc décidé de le confier à Sophie Daveau, comportementaliste équin fondatrice de l’École des Chevaux.
Que vient faire Quamiro sur ce blog ? Hé bien son histoire, et le travail qu’il fait aujourd’hui avec Sophie, offre une analogie intéressante avec ce que vivent certains salariés dans leur entreprise.
Non que je considère les salariés comme des chevaux de compétition, encore que le contrat de travail (performance contre salaire) n’est pas sans rappeler le contrat qui lie un cheval et son cavalier (performance contre bons soins).
Mais les comportements de Quamiro évoquent les « blessures de travail » que rencontrent beaucoup de personnes. Pas les blessures physiques, plutôt celles qui affectent la confiance (en soi et son entreprise), qui brisent l’autonomie, amenuisent l’estime de soi, fracturent la motivation. Celles qui, répétées ou permanentes, peuvent conduire à des incapacités beaucoup plus graves. Peut-être qu’observer Quamiro donnera à certains le recul nécessaire pour aborder leur propre situation avec un regard neuf.
Quamiro
La simple vue d’un obstacle de compétition, même posé au sol, engendre des signes de nervosité chez Quamiro. Un humain sur le dos qui ne lui donne aucune consigne le laisse désemparé, il n’ose prendre aucune initiative. Son stress s’intensifie si on l’amène sur son « lieu de travail », le manège, où il finit par s’immobiliser, tête basse.
Plus intéressantes encore sont les méthodes employées par Sophie pour libérer Quamiro de ses anxiétés.
Elle l’a d’abord observé dans différents environnements, apprenant à décrypter ses manifestations de stress, ainsi que les situations dans lesquelles elles s’expriment: la vue d’un obstacle de compétition, ou le fait de se trouver dans un espace de travail.
Comprenant que les refus de Quamiro, ses hésitations lorsqu’on le laisse prendre une décision, provenaient d’un besoin non satisfait plutôt que d’une rébellion à son encontre, Sophie a ensuite cherché à le reconnecter à son esprit d’initiative, de façon à ce qu’il ose à nouveau, en confiance.
Enfin, Sophie reconstruit avec Quamiro une autre forme de communication, débarrassée de ces contraintes de résultat, de réussite, qui ont engendré chez lui ces blessures. Elle se promène avec lui, joue, lui laisse un espace de liberté. Elle pense ainsi l’amener à renouer avec le plaisir, plus que l’obligation, de travailler ensemble et de réaliser des performances.
Repérer les signes de stress
En entreprise, les sources potentielles de stress sont multiples : l’attente de résultats, la peur d’échouer, les conditions matérielles, des relations interpersonnelles difficiles… Chacun dispose également de ses propres déclencheurs ; tout le monde n’a pas la même sensibilité au bruit, ou à l’humour cynique d’un collègue.
Enfin, chacun a ses propres réponses : certains vont s’isoler, d’autres vont se sentir rapidement fatigués, d’autres encore peuvent développer une forme d’agressivité…
Repérer ses propres manifestations de stress, et chercher ce qui les déclenche, peut être une première étape pour éviter de se « blesser » en laissant perdurer une situation néfaste.
Comprendre les besoins derrière les résistances
Parfois, un besoin non satisfait peut générer une situation de stress. Au cours d’un coaching, Marine me faisait part de son mal-être devant les critiques incessantes qu’un collègue formulait auprès d’elle sur les autres membres de l’équipe. Lui pensait faire de l’humour, elle le vivait comme une agression. Lorsqu’elle réussit à exprimer son besoin de ne plus être associée à ces critiques, elle reçut les excuses de son collègue, qui n’avait pas réalisé l’impact de ses paroles.
Une autre situation courante peut concerner un collaborateur en perte apparente d’autonomie, qui montre des hésitations voire des refus à assumer de nouvelles responsabilités, une nouvelle mission. Il n’est pas nécessairement au bout de ses compétences, ni en conflit avec qui que ce soit. Il se peut qu’il ait simplement à faire face à une atteinte à son estime de soi, en raison d’un échec (supposé ou réel, professionnel ou personnel). Lui retirer des dossiers sensibles peut certes diminuer la pression sur ses épaules, mais également creuser un peu plus son déficit de confiance.
Renouer avec les émotions positives
L’entreprise a besoin de performance pour grandir, l’humain, lui, a besoin de plaisir pour s’épanouir. Ces deux objectifs ne sont pas incompatibles, au contraire. Le plaisir nourrit la motivation qui elle-même nourrit la performance. Mais si cette dernière devient une contrainte, une obligation, elle peut couper la personne de ses ressources en remplaçant le plaisir par la peur : peur d’échouer, de déplaire, de ne pas être à la hauteur…
Dans de nombreux cas de blessures du travail, l’accès au positif est fermé par une forme de stress. (Re)prendre goût à son travail passe par l’accès à des émotions positives au sein de celui-ci. C’est ce que Sophie propose à Quamiro, en s’appuyant sur la psychologie positive :
« Quamiro nous a rappelé que […] c’est en lui proposant d’accéder à des émotions positives dans l’instant présent que nous l’aidons à se libérer et à reprendre goût au partage avec l’humain. Inutile de préciser que pour y parvenir, c’est d’abord l’humain qui doit lâcher prise et accueillir le positif dans ce qui EST déjà… »
Il ne s’agit pas de forcer un optimisme factice, mais bel et bien de renouer avec ce qui ressource la personne, les actes, pensées, décisions qui la font se sentir mieux, et d’élaborer des stratégies pour favoriser l’émergence de ces instants dans son quotidien. Au cours d’un coaching professionnel, l’espace créé par l’accompagnement est souvent le lieu sécurisé d’expérimentation de ces nouvelles stratégies, avant que la personne ne les réinvestisse dans sa vie professionnelle.
En conclusion: la blessure n’est pas inévitable…
Le stress n’est pas forcément un ennemi à abattre : il est même d’une grande utilité dans bon nombre de situations, dans lesquelles il permet à l’individu de s’adapter rapidement à une situation potentiellement dangereuse ou inhabituelle.
Néanmoins, chronique ou trop important, il peut générer des « blessures » qui, à leur tour, peuvent avoir des conséquences graves (maladies, épuisement…). Repérer et réparer ces blessures avant qu’elles ne deviennent pathologiques devient un enjeu à la fois individuel et collectif.
Peut-être que Quamiro ne redeviendra pas un champion de l’obstacle. Mais il est probable que son travail avec Sophie et sa propriétaire va lui permettre de dénouer les peurs qui l’empêchent de s’épanouir aujourd’hui. Et d’accéder à de nouvelles formes de performances, dans une relation restaurée à lui-même, à sa cavalière et à son travail.