« Parler de gouvernance dans une association, franchement, ça fait marrer personne ».
Ce constat, accablé et accablant, je l’ai entendu de nombreuses fois dans la bouche d’administrateurs d’associations épuisés à l’idée de ne pas pouvoir passer la main, faute de candidats. Au moment où ils font appel à un accompagnement extérieur pour résoudre la situation, ils réalisent que le sujet ne mobilise pas grand monde, et que c’est encore sur leurs épaules que repose la résolution de ce problème-là. Ce qui ne les enchante pas du tout.
Ça ne fait rire personne, donc.
Et pourtant…
Stimuler le plaisir à travailler
Ce soir là, lors de ma première rencontre avec les bénévoles de cette association, j’ai décidé d’aborder leur problème de gouvernance par le dessin. Lorsque je sors mes feutres et commence à expliquer ce que je leur propose, je vois les yeux de certains briller de curiosité, les autres d’inquiétude. Il va falloir dessiner ? Devant les autres ?! Craintes légitimes tant la pratique du dessin renvoie pour certains à des expériences scolaires lointaines et pas forcément agréables !
C’est la curiosité qui l’emporte, grâce à l’enthousiasme des premiers contributeurs, et probablement aussi à mes propres yeux qui pétillent devant ce spectacle qui ne cesse de m’émerveiller : voir les participants se saisir d’une approche inhabituelle pour eux, et grâce à ce support ludique, faire émerger l’intelligence collective.
Il y a là à l’œuvre un ingrédient essentiel au travail collaboratif : le plaisir.
La destination et le chemin
Pourtant, on parle sérieusement, et de sujets sérieux. L’avenir de l’association telle qu’ils la connaissent est clairement en jeu, de même que leur avenir personnel au sein de cette association.
Nombreux sont les bénévoles qui sont confrontés à ces questions, et lorsqu’ils y pensent en ces termes, ils ont souvent l’impression d’être au pied d’une falaise escarpée qu’ils ne se sentent pas la force de gravir, écrasés par la hauteur du sommet. Introduire le jeu, que ce soit par le dessin, ou toute autre approche ludique, leur fait entrevoir un chemin moins accidenté qu’ils peuvent prendre plaisir à parcourir. Cela ne veut pas dire que la montagne est moins escarpée ni qu’elle sera plus facile à gravir ; il y a des débats, de la confrontation, des contradictions sont mises à jour entre les envies individuelles et les besoins du collectif. Mais au-delà du but à atteindre, ils ont trouvé une motivation dans le chemin lui-même.
Re-cadrer son problème
Au-delà de cet effet motivant, le fait de s’amuser permet de re-cadrer une situation bloquée, de décentrer son point de vue de ce qui nous bloque pour le recentrer sur notre capacité d’action. Stimulés par la nouveauté et l’amusement, sécurisés par un cadre de travail bienveillant où chacun peut s’exprimer, les cerveaux se concentrent sur des éléments de la situation présente, ici et maintenant, et non sur la globalité de leur problématique ; ils cherchent la prochaine prise plutôt que le sommet.
Lorsque le tour d’une question a été fait sans y apporter de réponse satisfaisante, on peut faire le tour de la façon de se poser la question. Les méthodes ludiques en sont une parmi d’autres. Sortir une feuille blanche et des crayons de couleurs pour griffonner ce qui nous passe par la tête quand on pense à son problème; dessiner une carte mentale ; utiliser les jouets de ses enfants pour représenter la situation comme dans un théâtre… Chacun aura ses préférences, et s’autoriser à expérimenter est important pour trouver la méthode la plus adaptée pour soi à ce moment-là. Dans un cadre d’accompagnement, le coach apportera la sécurité nécessaire à cette expérimentation, ainsi que son regard extérieur pour questionner les modes de représentation et faire émerger les options qui en ressortent.
S’amuser à bon escient
À la suite de notre première séance de travail, les bénévoles se sont autorisés une communication complètement décalée et sont allés amorcer un nouveau dialogue avec les adhérents. Personne ne peut présumer des résultats, mais comme le dit la présidente : « au moins on s’amuse… et moi ça me donne envie de continuer!«
Il ne s’agit pas non plus de proposer du ludique à tout va. L’intention n’est pas dans le jeu lui-même, mais dans le fait d’établir un rapport nouveau entre la personne (ou le collectif) et son problème. Un rapport qui, au lieu de stimuler la peur, va stimuler la créativité et la joie, puissants moteurs pour avancer.
Ce n’est alors plus le problème qui a le pouvoir.
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