Aujourd’hui, lors d’une session d’un groupe At’RAPP (Atelier d’amélioration des Pratiques Professionnelles), une directrice d’association partage la façon dont elle a instauré chaque semaine une demi-journée “de rien” dans son équipe. Nous sommes en 2020, le confinement est passé par là et la crise sanitaire engendre des incertitudes et des adaptations quotidiennes des activités personnelles et professionnelles, générant un stress et une surcharge qui pèsent sur l’ambiance de l’équipe. Le “rien” consiste en fait à nettoyer, ranger et décorer les nouveaux locaux dont ils ont pris possession il y a quelques mois. Le “rien” répond à son intuition qui lui dit que l’équipe a besoin de moments partagés. Le “rien” est aussi un contre-pied à la surcharge mentale qui assombrit le quotidien. Plutôt que d’entretenir la course perpétuelle, elle choisit de créer un espace de pause.
Rencontrer son espace de liberté
Les contraintes s’accumulent, la pression augmente, et commencent à tourner dans la tête les oiseaux noirs de la démotivation et de la déprime, en forme d’idées toujours plus enfermantes: je suis bien obligé… je n’y peux rien… je n’ai pas le choix…
Et pourtant, chacun dispose en lui d’un espace de liberté inaliénable. Parfois dissimulé sous des buissons de fausses croyances épineuses, parfois réduit à la taille d’une tête d’épingle après des années de soumission à de fortes contraintes, cet espace existe néanmoins en chacun, et chacun a le pouvoir de l’habiter et de le faire grandir. C’est du moins l’une de mes croyances, de celles qui fondent ma pratique d’accompagnement et m’aident à entretenir mon propre jardin de libertés.
Comment se relier à cet espace?
Laisser la contrainte glisser

Peut-être simplement en laissant le vide s’infiltrer là où la pression environnante demande toujours plus d’actions. Un moment de rêverie volé à la Sainte Productivité, et c’est un bourgeon de liberté intérieure qui fleurit. Ah, ces délicieux dessins griffonnés dans la marge pendant un cours ou une réunion…
A l’image de cette directrice et de sa demi-journée “de rien”, il ne s’agit pas de nier la contrainte, mais plutôt de lui refuser la priorité. A quoi ai-je envie de donner la priorité aujourd’hui? De quoi veux-je remplir ma vie? Dire oui à ce qui m’anime, plutôt que de subir ou d’essayer d’éviter la contrainte – ce qui me coûtera au final bien plus d’énergie.
Choisir ce que je peux choisir
Se relier à et espace de liberté peut ainsi se faire en faisant des choix sur la façon dont on distribue son temps et son énergie, et également sur la manière dont on va s’approprier la contrainte. Plutôt que de ressasser une colère (légitime parfois!), lui opposer des pépites de joie et de liberté semées tout au long de la journée.
Je dois réaliser un rapport codifié et ennuyeux, qui bride complètement ma créativité… complètement? Où est mon espace de liberté pour cette réalisation? Si elle ne réside pas dans le contenu, peut-être dans la forme: la tournure des phrases, la mise en page, le choix des illustrations? Si petit soit le choix, c’est lui qui va alimenter mon espace de liberté: dès lors que je choisis de respecter une valeur qui m’est chère et de l’incarner dans une action, je me relie à ma liberté intérieure. Le plus petit acte d’affirmation de mon identité profonde, même s’il s’agit uniquement de choisir la couleur du stylo avec lequel je vais signer un document qui m’est imposé, crée un espace salutaire entre la contrainte et moi: c’est dans cet espace que la liberté respire.
L’enjeu: rester auteur de sa vie
Prendre conscience de sa marge de manœuvre, c’est déjà reprendre du pouvoir d’agir sur sa vie. Sortir de la plainte pour aller habiter pleinement son espace de liberté, le faire grandir là où c’est possible, permet d’accueillir plus sereinement l’incertitude et les peurs et colères qu’elle engendre. L’impuissance que je peux ressentir face à une contrainte vécue comme absurde ou injuste s’en trouve diminuée, car je peux poser des actes pour préserver et faire vivre ce qui m’est précieux. C’est ainsi que j’écris mon quotidien, inscrit dans mon environnement, mais non pas dicté par lui.