Travailler plus, être efficace, rester fort… jusqu’à ce qu’une expérience de vie nous apprenne à percevoir autrement les injonctions à la performance. J’ai rarement autant appris que lorsque je ne « travaillais » pas. Alors que j’avais mis entre parenthèse mon activité d’accompagnement pour accueillir mon troisième enfant, ce petit être m’a amené à changer de regard sur la vulnérabilité. En confiant cette expérience, je fais le pari que le fait de partager ce qui est vulnérable en nous permet d’engager une relation véritable.

Le début de la vie révèle pleinement le sens du mot vulnérable : « qui peut être blessé ». Le nourrisson est si petit, si délicat. Tout semble chez lui si fragile. Jeté dans ce monde il ne peut rien faire tout seul. Il a besoin d’un autre pour combler tous ses besoins.

Vulnérable et … confiant

Fragile, et pourtant… de son visage se dégage une sérénité inégalée, il semble s’engager dans la vie avec une confiance absolue. Rien ne semble troubler son sommeil si ce n’est la soif, qu’il aura vite étanchée les premiers cris prononcés. Qui se fait du souci sinon moi, sa maman ? Lui ne semble pas se soucier du lendemain qui lui réserve pourtant tant de nouveautés à découvrir, à sentir, à vivre.

Le nourrisson qui à lui seul exprime pleinement la vulnérabilité humaine en révèle aussi toute la puissance qui réside dans la confiance. Vous allez me dire « il n’a pas le choix ». Certes. Il n’empêche, ça marche. Jour après jour il grandit sous le regard de ceux qu’il a attendri. Brene Brown évoque le pouvoir de la vulnérabilité. Le nourrisson s’emploie pleinement à la développer !

Accueillir cette vulnérabilité partagée

Dans d’autres cultures, amies et voisines se relaient auprès de la femme qui vient d’accoucher et lui apportent des plats délicieux pour se retaper. Elle peut ainsi se reposer et se consacrer à son bébé.

Chez nous, passés les 3 jours de la maternité les mamans replongent dans la réalité du quotidien. Elles sont soumises aux injonctions de performance de mères parfaites pour qui « tout s’est bien passé » et qui, avec le plus beau des bébés, ont tout pour être heureuses, efficaces, organisées. La vie peut reprendre son cours effréné comme si de rien n’était. Nombre d’entre elles essuieront leurs larmes en cachette et afficheront un sourire lisse qui cache une réalité toute autre.

Car accueillir un petit être vulnérable, au-delà de l’affaiblissement physique et psychique générés par la naissance, renvoie à sa propre vulnérabilité. Bercer ce petit corps chaud et fragile sur son corps fatiguée.Vivre au rythme ralenti de ce petit être qui apprivoise la vie. Se sentir impuissante et démunie face à ses cris. Pâtir du manque de sommeil. Ressentir du découragement, de la frustration, de la colère même. Reconnaître en somme que je suis moi aussi vulnérable. Et alors ?

Le cadeau de la vulnérabilité

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Épuisée, courbaturée, décalée je ressens pourtant une joie profonde. En acceptant d’être un temps hors du temps j’effleure un mystère qui me dépasse. Parfois perdue, parfois comblée. Ressentir une foule d’émotions. Comme lui passer du sourire aux larmes. Transformer la frustration de ne pas pouvoir faire en joie d’être. En acceptant ma condition d’être vulnérable j’apprends la confiance. En entrant en relation avec ce petit être qui a tant besoin de moi, je réalise à quel point la relation est vitale. Plus, elle nous définit en tant qu’être humain.

Dire à l’autre « J’ai besoin de toi », c’est pour Jean Vanier la plus belle façon de reconnaître et de célébrer quelqu’un. C’est par ce cri que le nourrisson entre dans la vie. Ce cri que nous avons oublié, que nous avons emmuré derrière une carapace bien astiquée. Lui vient la fissurer et nous apprendre que oui, la vrai force réside peut-être dans l’acceptation du besoin que nous avons les uns des autres.

En quoi cette expérience vient-elle enrichir ma pratique ? J’expérimente qu’en étant vulnérable germe la possibilité d’une relation véritable. J’expérimente encore que l’acceptation de ma vulnérabilité accroît la perception de mes émotions, ma compréhension de l’autre et de moi même. Subtil jeu de miroir que la vulnérabilité ! En accueillant la vulnérabilité de l’autre, j’accueille aussi la mienne… et vice versa. Si cette posture ouvre des perspectives, elle renvoie aussi à l’hygiène du coach et de toute personne, autrement dit à l’attention à porter à son écologie.

Le nourrisson, lui, s’est endormi. Il dégage une telle sérénité que je me sens comblée. Décidément, ces petits être n’ont pas fini de nous surprendre… et de nous apprendre !

Isabelle Lafond

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